Le prix Martin Ennals annonce les noms de la lauréate et des finalistes 2025
Le prix Martin Ennals 2025 récompense trois défenseuses des droits humains exceptionnelles qui mènent des initiatives en faveur de la justice au Brésil, en Ouganda et en Tunisie contre le racisme et la corruption dans les institutions publiques. Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme remettra le prix à la lauréate sélectionnée lors d'une cérémonie qui se tiendra le 26 novembre 2025 à Genève, en Suisse.
Pour cette 31e édition, dix des principales ONG de défense des droits humains composant le jury du prix Martin Ennals – Amnesty International, Human Rights Watch, la FIDH, HURIDOCS, Bread for the World, Human Rights First, l'Organisation mondiale contre la torture, la Commission internationale des juristes (CIJ), le Service international pour les droits de l'homme (SIDH) et Front Line Defenders – ont sélectionné, après de longues délibérations, trois défenseuses des droits humains pour leur contribution exceptionnelle au mouvement des droits humains.
La lauréate 2025 est Ana Paula Gomes de Oliveira (Brésil), cofondatrice du collectif Mães de Manguinhos (les Mères de Manguinhos) qui lutte pour la justice après le meurtre de son fils, un jeune homme noir de 19 ans, abattu dans le dos par un policier militaire dans les favelas de Rio alors qu'il rentrait de chez sa petite amie. Le jury a également récompensé deux finalistes : Aloikin Praise Opoloje (Ouganda), une étudiante ougandaise de 26 ans qui est devenue l'une des principales porte-parole contre la corruption, les injustices sociales et les violations des droits humains en Ouganda ; et Saadia Mosbah (Tunisie), éminente militante des droits humains engagée dans la lutte contre le racisme et la discrimination raciale, qui est toujours détenue arbitrairement après une intense campagne de dénigrement contre ses appels au respect des droits des migrants et des réfugiés en Tunisie.
"Ana Paula Oliveira donne tant même si elle a tout perdu. Nous sommes extrêmement fiers de la compter parmi nos lauréats. La violence raciste dans les rues brésiliennes mérite toute l'attention du gouvernement fédéral et de la communauté internationale" - Hans Thoolen, président du jury Martin Ennals

La lauréate 2025 et les deux finalistes
Ana Paula Gomes de Oliveira (lauréate) : En mai 2014, Ana Paula Oliveira a tragiquement perdu son fils Johnatha, un jeune homme noir de 19 ans, à Manguinhos, une favela de Rio de Janeiro, lorsqu’il a été abattu par la police alors qu’il rentrait chez lui après avoir rendu visite à sa petite amie. Depuis, Ana Paula a transformé son chagrin et son indignation en une puissante quête de justice contre les violences policières. Elle a cofondé le collectif Mães de Manguinhos (les Mères de Manguinhos) comme front de résistance et de défense, mais aussi comme réseau de soutien émotionnel et de solidarité entre femmes qui partagent des histoires de pertes similaires. Ces femmes, en majorité noires, dont beaucoup ont perdu des enfants et d’autres membres de leur famille à la suite d’actes violents commis par des agents des forces de l’ordre, se sont réunies pour revendiquer leurs droits et dénoncer la violence dans les favelas, en particulier la violence policière qui touche de manière disproportionnée les jeunes Noirs pauvres. Le collectif lutte pour la vérité, la mémoire, la justice, la liberté et la garantie des droits humains des personnes noires, pauvres et vivant en périphérie.
« Lorsque nous naissons noirs et que nous grandissons dans les favelas, nous sommes la cible d’un système raciste qui est davantage renforcé par des politiques de sécurité publique fondées sur la mort et l’emprisonnement », Ana Paula Oliveira a déclaré à la Fondation Martin Ennals.
Selon l’ONU, les meurtres commis par la police ont plus que doublé au cours des dix dernières années au Brésil, avec plus de 6 000 meurtres chaque année au cours des six dernières années. Les Noirs, en grande majorité des hommes, sont trois fois plus susceptibles d’être tués par la police que le reste de la population, et représentent un taux choquant de 82,7 % des meurtres commis par la police en 2023.
Aloikin Praise Opoloje (finaliste) est une étudiante ougandaise de 26 ans qui est devenue l’une des principales porte-parole de la lutte contre la corruption, les injustices sociales et les violations des droits humains en Ouganda. Inspirée par les conditions de vie et d’éducation désastreuses dans son district natal de Palisa, elle a mobilisé des milliers de personnes via les réseaux sociaux et a organisé d’importantes manifestations pacifiques, notamment la Marche vers le Parlement et la Manifestation nue contre la mauvaise gestion du gouvernement, qui ont conduit à la mise en cause de la responsabilité des institutions publiques dans la tragédie de la décharge de Kiteezi. Malgré des arrestations répétées en 2024 et des poursuites judiciaires en cours, Aloikin a créé le mouvement WeThePeople, qui informe les jeunes Ougandais sur leurs droits civiques et la résistance non violente.
Saadia Mosbah (finaliste) est une militante tunisienne de premier plan dans le domaine des droits humains et cofondatrice de Mnemty (« Mon rêve » en arabe), la principale organisation dédiée à la lutte contre le racisme et la discrimination raciale en Tunisie. Elle a mené des initiatives par le biais de l’éducation, de la sensibilisation et du plaidoyer législatif, qui ont conduit au débat national de 2016 sur le racisme systémique, à l’adoption de la loi n° 50 contre le racisme (2018) et à la proclamation du 23 janvier comme Journée nationale pour l’abolition de l’esclavage en Tunisie (depuis 2019). Son travail s’est également concentré sur la lutte contre les préjugés à l’égard des migrants et la promotion des droits des migrants et des réfugiés. Malgré son activisme légitime, Saadia Mosbah et Mnemty ont été victimes d’intenses campagnes de diffamation. Elle a été arrêtée le 6 mai 2024 sur la base de fausses accusations de crimes financiers et est depuis maintenue en détention provisoire sans qu’aucune date de procès n’ait été fixée.
Le Prix Martin Ennals
Chaque année, le Prix Martin Ennals (MEA) récompense des défenseur⸱ses des droits humains exceptionnels qui sont en danger ou issus de contextes peu médiatisés. Il culmine avec une cérémonie publique co-organisée avec la Ville de Genève. La cérémonie 2025 aura lieu le 26 novembre 2025 à 18h30 à la Salle communale de Plainpalais à Genève. Elle sera également retransmise en direct. De nombreux DDH locaux et internationaux se joignent à cette célébration publique des réalisations et de l'engagement de DDH exceptionnels.
«Étant au coeur du multilatéralisme et de la promotion des droits humains, la Ville de Genève est fière de soutenir le Prix Martin Ennals pour cette 31e édition, qui amplifie la voix d'une défenseuse des droits humains courageuse et infatigable dans sa quête de justice », conclut Alfonso Gomez, conseiller administratif de la Ville de Genève.
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