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29 Août 2025

Liberté pour les 5 défenseurs Tseltal de San Juan Cancuc !

Les experts des Nations Unies appellent le gouvernement mexicain à libérer immédiatement Manuel Sántiz Cruz, Agustín Pérez Domínguez, Juan Velasco Aguilar, Martín Pérez Domínguez et Agustín Pérez Velasco. Dans son avis n° 21/2025 publié en mai 2025, le groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire reconnaît que les cinq défenseurs du droit à la terre, les Maya-Tseltal originaires de San Juan Cancuc (Chiapas), sont détenus arbitrairement. À ce jour, cela fait plus de trois ans qu’ils sont derrière les barreaux pour un crime qu’ils n’ont pas commis.

Le groupe de travail de l’ONU reconnaît que leur détention arbitraire est caractérisée par chacun des quatre aspects défendus par le Centre des droits de l’homme Frayba : 1) Aucune base légale ne justifie leur détention ; 2) la détention résulte de l’exercice de leurs droits humains ; 3) un procès partial a conduit à leur détention ; 4) et cette détention est discriminatoire.

Les cinq défenseurs ont été arrêtés en mai 2022 à San Juan Cancuc et à San Cristóbal à la suite du décès d’un agent de la police municipale dans des circonstances qui n’ont pas encore été élucidées. Comme le souligne le groupe de travail des Nations unies, l’État mexicain a utilisé à leur encontre diverses stratégies qui caractérisent le schéma visant à fabriquer la culpabilité au Chiapas. Il souligne la création d’une infraction pénale pour possession de drogue afin de maintenir les défenseur·ses en prison pendant que le parquet prépare un autre mandat d’arrêt pour meurtre aggravé, un crime pour lequel ils purgent actuellement une peine de 18 ans et 9 mois de prison.

Le mandat d’arrêt a été délivré avant que le parquet ne le demande, ce qui prouve que l’affaire est montée de toute pièce. Les détenus n’ont pas vu le mandat d’arrêt et n’ont pas été informés du motif de leur arrestation. En outre, trois d’entre eux ont été détenus au secret pendant 24 heures sans que l’on sache où ils se trouvaient. Le groupe de travail des Nations unies considère que ces actes constituent une disparition forcée.

Ce n’est pas un hasard si Manuel, Agustín, Juan, Martin et Agustín ont été arrêtés. Comme le souligne le groupe de travail des Nations unies, ils sont des défenseurs des droits humains et de l’environnement, et c’est la raison de leur détention. Tous participent à la défense de leur territoire face à des projets dits de « développement » tels que l’autoroute San Cristóbal de Las Casas - Palenque, et s’opposent à la militarisation de la région du côté de Pueblo Creyente. Manuel Sántiz Cruz est une personnalité particulièrement visible en raison de son rôle en tant que président du Comité de Derechos Humanos de la parroquia de San Juan Cancuc.

Le groupe de travail des Nations unies est convaincu que les cinq hommes sont victimes de discrimination à cause de leur statut de défenseurs des droits humains, mais aussi parce qu’ils appartiennent au peuple autochtone Maya-Tseltal, comme le montre le fait qu’ils n’ont pas bénéficié des services d’un interprète alors que l’espagnol n’est pas leur première langue et qu’il s’agit de la langue utilisée au tribunal. La discrimination et le racisme sont des facteurs qui soutiennent la reconnaissance de la détention arbitraire.

Au Chiapas, la criminalisation des défenseur·ses des populations autochtones est une tendance courante, en particulier à l’encontre de celles et ceux qui défendent leur territoire. L’objectif est de susciter la peur, de diviser et, par conséquent, de démobiliser les communautés principalement touchées par les mégaprojets et/ou la militarisation. La criminalisation profite d’abord à l’État mexicain, mais aussi aux entreprises et aux groupes criminels, en facilitant leurs activités, légales ou illégales. De nombreux acteurs sociaux et politiques, tels que l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), le Congrès national indigène (CNI), ou encore Rodrigo Aguilar Martínez, évêque de San Cristóbal de Las Casas, ont alerté sur les risques de ces projets.

Les peuples autochtones continuent de résister au projet d’autoroute San Cristóbal — Palenque contre lequel les 5 de Cancuc se sont mobilisés. À ce jour, les communautés concernées continuent leur résistance pacifique et maintiennent leur demande pour une consultation préalable, libre, informée et culturellement appropriée.

Avec l’avis du groupe de travail des Nations unies, l’État mexicain a la possibilité et l’obligation de réparer une grave injustice. Conformément aux engagements internationaux pris par le pays, les demandes du groupe de travail sont contraignantes. En d’autres termes, la libération immédiate n’est pas une option, mais une obligation légale pour les autorités mexicaines. En fait, il existe un précédent récent au Chiapas, datant de 2021, où l’avis d’experts de l’ONU a conduit à la libération de cinq hommes autochtones qui étaient détenus arbitrairement.

Par conséquent, nous exhortons l’État à mettre en œuvre sans délai les demandes du groupe de travail :

  • Libérer immédiatement Manuel Sántiz Cruz, Agustín Pérez Domínguez, Juan Velasco Aguilar, Martín Pérez Domínguez et Agustín Pérez Velasco.
  • Mettre en œuvre un plan de réparation complet qui ne se limite pas à une compensation financière, conçu sur la base d’un dialogue avec les victimes directes et indirectes.
  • Mener une enquête approfondie et indépendante sur la privation arbitraire de liberté des cinq défenseurs des droits humains et du droit à la terre.

Nous reconnaissons que c’est la lutte des cinq prisonniers et de leur famille, ainsi que de groupes et d’organisations au Mexique et dans le monde entier qui a permis de mettre en lumière cette grave injustice et de la porter à l’attention du groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire. C’est cette même lutte qui permettra leur libération et la pleine mise en œuvre de l’avis 21/2025. Nous appelons donc la société civile locale, nationale et internationale à se joindre aux actions pour la libération de Manuel, Agustín, Juan, Martín et Agustín.

Organisations signataires :

  • Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-France)
  • Fray Bartolomé de las Casas Human Rights Center
  • Front Line Defenders
  • Indigenous Peoples Rights International (IPRI)
  • Organisation Mondiale contre la torture (OMCT)