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14 Octobre 2025

Canada : Plusieurs organisations internationales de défense des droits humains assureront le suivi de la condamnation des défenseur·ses des terres autochtones criminalisés par le Canada

Amnesty International s'apprête à déclarer Sleydo’, Shaylynn Sampson et Corey Jocko prisonniers d'opinion

14 octobre 2025

Smithers, B.C. (sur le territoire non cédé de la nation Wet'suwet'en) – Cette semaine, Amnesty International, Peace Brigades International et Front Line Defenders suivront de près les audiences portant sur la condamnation des défenseur·ses des terres autochtones qui sont poursuivis par le Canada pour avoir protégé le territoire non cédé des Wet'suwet'en contre la construction d’un gazoduc.  

Une délégation de représentants de la section anglophone d’Amnesty International Canada, du bureau régional de l’organisation pour les Amériques et du bureau canadien de Peace Brigades International (PBI-Canada), assistera en personne aux audiences qui se tiendront à Smithers, en Colombie-Britannique. Front Line Defenders (FLD), une organisation internationale de défense des droits humains qui protège les défenseur⸱ses des droits humains en danger, suivra la procédure depuis l’étranger. 

À partir du 15 octobre, un juge de Colombie-Britannique présidera pendant trois jours l’audience pour déterminer les peines de Sleydo' (Molly Wickham), chef de branche (Cas Yikh, ou Grizzly Bear House) du clan Gidimt'en de la nation Wet'suwet'en, de Shaylynn Sampson, une Gitxsan ayant des liens familiaux avec la nation Wet'suwet'en, et de Corey « Jayohcee » Jocko, Kanien'kehá : ka (Mohawk) d’Akwesasne.

Les défenseur·ses ont été arrêtés en novembre 2021 lors d’un raid fortement militarisé mené par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sur le territoire Wet'suwet'en. Sleydo', Sleydo’, Sampson et Jocko ont été accusés, puis reconnus coupables, d’avoir défié un ordre controversé d’un tribunal de Colombie-Britannique interdisant les actions de défense des terres à proximité du site de construction du gazoduc de gaz naturel liquéfié de Coastal GasLink (CGL).  

Les recherches d’Amnesty International ont permis de conclure que l’ordre d’injonction restreint indûment les droits humains des défenseur·ses de la terre et les droits des populations autochtones de la nation Wet'suwet'en. Par extension, les arrestations et les poursuites engagées contre les défenseur·ses constituent une grave violation de leurs droits. 

« Nous sommes fiers de revenir à Smithers — sur le territoire traditionnel non cédé de la nation Wet'suwet'en — pour exprimer notre solidarité avec Sleydo', Shaylynn Sampson et Corey Jocko, qui sont injustement criminalisés par le Canada pour avoir exercé leurs droits », a déclaré Erin Riley-Oettl, responsable des droits humains, des campagnes et du plaidoyer pour la section anglophone d’Amnesty International Canada. « Amnesty International n’hésitera pas à désigner ces courageux défenseur·ses comme des prisonniers d’opinion s’ils sont condamnés à la prison ou à assignés à résidence. »

« Nous sommes profondément préoccupés par la criminalisation de ces défenseur·ses de la terre et de l’environnement qui défendaient l’Anuk niwh'iten (loi Wet'suwet'en) et protégeaient des territoires non cédés contre un méga-projet d’extraction destructeur », a déclaré Brent Patterson, coordinateur de PBI Canada. « La surveillance, le harcèlement, l’intimidation et les remarques offensantes de la GRC à leur égard sont inquiétants. Cela doit cesser. Toute condamnation à une peine d’emprisonnement ou à une assignation à résidence serait injuste et injustifiée ». 

« Le cas des défenseur·ses des terres Wet'suwet'en s’ajoute à un schéma alarmant de criminalisation des défenseur·ses autochtones dans les Amériques et crée un dangereux précédent pour la défense des terres au Canada », a déclaré Sandra Patargo, coordinatrice de la protection pour l’Amérique du Nord, l’Amérique centrale et les Caraïbes chez Front Line Defenders. « Garantir la protection et la justice pour les défenseur·ses des terres Wet'suwet'en est une obligation pour le gouvernement canadien et une responsabilité internationale dans un contexte où les défenseur·ses autochtones mènent la lutte mondiale pour la défense des droits des populations autochtones et de l’environnement. Front Line Defenders continuera à accompagner Sleydo', Shaylynn Sampson et Corey Jocko jusqu’à ce qu’ils puissent continuer à défendre leur territoire en toute liberté. »

Aggravation des violations des droits des populations autochtones

La construction du gazoduc CGL, long de 670 kilomètres et traversant le territoire Wet'suwet'en, s’est déroulée sans le consentement libre, préalable et éclairé des chefs héréditaires Wet'suwet'en, que la Cour suprême du Canada a reconnus comme étant l’autorité ancestrale de la nation (selon l’arrêt Delgamuukw de la Cour suprême [1997], leurs droits et titres n’ont jamais été éteints). Il s’agit d’une violation de la déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), qui stipule que les grands projets d’infrastructure ou d’extraction de ressources ne doivent pas être mis en œuvre s’ils n’ont pas reçu le consentement libre, préalable et éclairé des nations autochtones dont les territoires sont concernés par le développement. Le Canada a ratifié la DNUDPA et, en 2021, l’a adoptée en tant que loi fédérale.

En outre, les violations des droits continuent de s’aggraver à mesure que le Canada, la Colombie-Britannique et le consortium commercial international à l’origine du gazoduc CGL avancent dans la phase II du projet. La phase II, qui vise à doubler la production de l’installation d’exportation de GNL de Kitimat, en Colombie-Britannique, prévoit la construction de sept nouvelles stations de compression le long du tracé du gazoduc, dont deux sur le territoire des Wet'suwet'en, toujours sans le consentement libre, préalable et éclairé des chefs héréditaires de la nation autochtone.   

« Il est scandaleux de condamner Sleydo', Shaylynn et Corey pour avoir respecté la loi Wet'suwet'en et défendu notre territoire », a déclaré le chef Na'Moks, du clan Tsayu de la nation Wet'suwet'en. « Alors que le Canada et la Colombie-Britannique s’en prennent aux populations autochtones pour avoir exercé leurs droits, qu’ils font passer des infrastructures de gazoduc destructrices à travers notre territoire, qu’ils détruisent nos maisons et qu’ils menacent nos modes de vie traditionnels, pourquoi ne sont-ils pas traités comme des criminels ou accusés d’un délit ? »

« Le Canada ne cesse de privilégier les intérêts des riches investisseurs et des grandes entreprises au détriment de la vie et des droits des peuples autochtones et de l’environnement naturel dont tout le monde — et pas seulement les peuples autochtones — dépend. Comment l’État canadien peut-il prétendre défendre les droits humains, sans parler de la réconciliation, alors qu’il agresse physiquement et criminalise les défenseur·ses autochtones qui réclament justice ? » 

« La chicanerie est évidente de la part du gouvernement et de l’industrie de la Colombie-Britannique », a déclaré le chef du clan Gidemt'en, M. Woos. «  Le peuple Wet'suwet'en a toujours maintenu sa souveraineté sur les 22 000 kilomètres carrés de son territoire. » Malgré la décision d’un juge de Colombie-Britannique de condamner Sleydo', Sampson et Jocko pour outrage au tribunal, il a reconnu que leurs droits avaient été violés lors de leur arrestation. En réponse à une plainte pour abus de procédure déposée par l’équipe juridique des défenseur·ses, le juge a statué en février que le comportement de certains membres de GRC, y compris les déclarations racistes anti-indigènes prononcées lors du raid de novembre 2021, violait effectivement la Charte canadienne des droits et libertés. Cette décision valide à la fois les expériences de ces défenseur·ses de la terre et l’expérience plus large de la violence coloniale à laquelle les peuples autochtones sont confrontés depuis plus de 100 ans de la part de la GRC. Toutefois, le juge a refusé de suspendre toutes les charges retenues contre les défenseur·ses et a déclaré qu’il envisagerait plutôt des réductions de peine.

Le Canada risque de faire l’objet d’une nouvelle déclaration sur les prisonniers d’opinion 

Amnesty International est prête à déclarer que Sleydo', Sampson ou Jocko sont des prisonniers d’opinion si le tribunal condamne un ou plusieurs d’entre eux à une peine de prison ou à une assignation à résidence. Si tel est le cas, ce ne sera que la deuxième fois qu’Amnesty applique une déclaration de prisonnier d’opinion à une personne détenue par le Canada.

En juillet 2024, le chef Dsta'hyl, chef de branche (clan Likhts'amisyu) de la nation Wet'suwet'en, est devenu le premier prisonnier à être déclaré prisonnier d’opinion au Canada par Amnesty International. À l’époque, le défenseur des terres, âgé de 68 ans, a été condamné à une peine de 60 jours d’assignation à résidence après avoir été reconnu coupable d’outrage au tribunal pour avoir prétendument violé l’injonction du tribunal de la Colombie-Britannique. Des agents de la GRC ont arrêté le chef Dsta'hyl en octobre 2021 lors d’un blocage de la route forestière de Morice visant à empêcher la construction du gazoduc CGL sur le territoire Wet'suwet'en. 

À la veille de sa libération en septembre 2024, le chef Dsta'hyl a remercié ses sympathisants du monde entier et les a exhortés à maintenir la pression sur le Canada pour qu’il respecte les droits de la nation Wet'suwet'en. 

« Le gouvernement fédéral et de la province ont le pouvoir d’émettre une déclaration reconnaissant notre propriété de nos 22 000 kilomètres carrés de territoire », a-t-il déclaré dans un communiqué écrit. « Leur refus de le faire me dépasse. Ils sont allés jusqu’à signer la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et à faire d’autres promesses, mais ce sont des écrans de fumée pour apaiser la population. Ils n’ont pas tenu leur parole. C’est là que les gens peuvent faire pression sur le gouvernement et l’obliger à reconnaître enfin nos droits ».

Pour plus d’informations, ou pour organiser une interview, contactez : 

  • Cory Ruf, Media Officer, Amnesty International Canadian Section (anglophone), media@amnesty.ca, +1-647-269-1795
  • Sandra Patargo, Coordinatrice de protection pour l’Amérique du Nord, l’Amérique centrale et les Caraïbes chez Front Line Defenders campaigns@frontlinedefenders.org.